Les mutants, ces porteurs du changement.
- Bénédicte Spanu
- 10 sept. 2024
- 5 min de lecture

Mais qui sont donc les mutantes et les mutants ? Qu'ont-ils donc de particulier, de différent ? A quoi les reconnaît-on ?
Peut-être (probablement) en avez-vous déjà croisés ? Peut-être en êtes-vous un ou une vous-mêmes ? Peut-être en avez-vous déjà conscience ? Ou pas encore ? Peut-être aimeriez-vous être une mutante ou un mutant vous aussi ?
Si vous avez eu la curiosité de venir jusqu'ici, c'est probablement que l'une de ces questions s'est présentée à vous. Ou tout du moins que quelque chose a éveillé votre intérêt. Peut-être avez-vous ressenti quelques picotements, comme un frémissement à l'intérieur de vous. Comme un appel. Quoi qu'il en soit, tout est juste et vous n'êtes probablement pas là par hasard.
Les mutants sont des porteurs et porteuses du changement.
Les mutants constituent en fait un "sous-ensemble" d'un groupe socio-culturel plus vaste, connu sous le nom de "Créatifs Culturels" (Cultural Creatives en anglais). Inventée par le sociologue américain Paul Ray et la psychologue américaine Sherry Anderson (1), cette expression désigne les individus qui aspirent à une réelle et profonde transformation de la culture et des valeurs dominantes au sein de la société.
Ces Créatifs Culturels (CC) perçoivent de façon à la fois intuitive et lucide les limites que nos modèles actuels (économiques, sociaux, environnementaux, politiques, technologiques, philosophiques, spirituels, ...) ont atteint. Ils sont conscients que ces derniers reposent sur une représentation du monde déséquilibrée au sein de nos sociétés occidentales modernes, qui privilégient avant tout l'approche scientifique, technique et technologique, le matérialisme, le culte de la performance, de la compétition, et de l'efficacité, le mythe d'une croissance infinie dans un monde fini, ...
Un déséquilibre de valeurs qui engendre de multiples autres déséquilibres majeurs : sur-exploitation croissante et épuisement des ressources, non considération des cycles propres au vivant et des temps incontournables de régénération, concurrence accrue et délitement accéléré des liens entre les humains et avec l'ensemble du vivant plus largement, perte de sens et dégradation de la santé mentale et physique des populations, diminution du sentiment de bien-être, ...
Représentant 35% de la population aux Etats-Unis en 2008 (vs 24% en 1999 et seulement 2% à 3% dans les années soixante), rassemblant des profils très divers, ce mouvement des CC présente aux yeux de Vincent Commenne (2), économiste formé à la psychologie humaniste, un avantage qu'il juge décisif : "sortir des seules propositions de "faire" des choses et ajouter une dimension de "comment être" dans ce "faire". Il intègre le facteur humain. Partant de là, cette approche particulière ne vise pas d'abord à proposer des outils pour agir sur le changement de société, elle se focalise plutôt sur une évolution de la culture dans laquelle nous baignons en Occident, une évolution des valeurs, une évolution de la conscience, qui vont amener un changement de regard et, par la suite, un changement des comportements."
Au sein du Mouvement des Créatifs Culturels en Belgique, Vincent Commenne conduit en 2012 une étude auprès de 2 800 personnes en Belgique francophone sur "l'évolution des valeurs et des comportements".
Cette étude met en évidence une contradiction qui me paraît extrêmement intéressante à souligner : si 69% des répondants déclarent "avoir la volonté d'agir sur la société", ils ne sont en revanche que 25% à avoir l’impression "d’avoir une prise sur le monde" tel qu’il est aujourd’hui.
Ainsi, ce décalage entre la conscience d'une nécessité et d'une urgence croissantes à agir et un sentiment d'impuissance personnelle à faire une différence concrète crée une dissonance intérieure qui n’est pas sans impact sur la vie, sur le bien-être et sur la santé de celles et ceux qui s'y trouvent confrontés.
Cela vient créer un déséquilibre, un inconfort voire une véritable souffrance qui va s’exprimer de différentes façons : colère, frustration, tristesse, manque d’estime de soi, perte de confiance en soi, doutes et questionnements permanents, procrastination, perte de l’envie, de la joie, isolement social, … pouvant aller parfois jusqu’à des maux physiques, des maladies, des formes de déprime, le burn out ou encore la dépression.
Face à cette situation, certains CC vont alors choisir de se tourner vers une autre forme d'engagement et d'action, une autre voie de guérison et de reconquête de leur équilibre intérieur et de leur pouvoir personnel : la voie intérieure.
Changer pour changer le monde.
C'est ainsi que Vincent Commenne identifie 2 sous-groupes principaux au sein des CC :
les militants qui orientent leur action vers le monde extérieur, à travers l'activisme sociétal (au sein de mouvements politiques, syndicaux, associatifs, ...), une consommation plus responsable, des changements de comportements, ...
les mutants qui, quant à eux, se tournent davantage vers un changement intérieur, à travers la psychologie, la philosophie, le développement personnel, la spiritualité, ...
Loin d'être minoritaire (puisqu'il représente 50% des répondants), ce second sous-groupe est principalement composé de femmes (pour les 2/3). S'il partage les aspirations des autres CC pour transformer la société, il s'en distingue en ce qu'il "ne trouve pas vraiment chaussure à son pied dans les propositions classiques d'implication sociétales des partis ou du monde associatif."
Ces mutantes et ces mutantes ressentent et comprennent intuitivement que le changement dont ils sont porteurs et auquel ils aspirent commencent par eux et en eux.
Cette exploration à laquelle ils sont poussés est avant tout une exploration intérieure. En s’engageant sur ce chemin de reconnexion à leur corps, à leurs ressentis, à leurs émotions, à leur intuition, d'ouverture de conscience et de découverte intérieure, d'accueil et de guérison de leurs peurs et de leurs blessures, ils développent une nouvelle sécurité et stabilité intérieure.
Ils découvrent toutes les ressources dont ils disposent, apprennent comment les utiliser mais aussi les préserver et les renouveler. Ils comprennent que beaucoup des réponses aux questions qu’ils se posent sont déjà en eux.
En trouvant et en s'autorisant à exprimer leur voix.e, ils renouent avec leur puissance personnelle intérieure, pour mieux prendre leur juste place et poser des actions concrètes dans le monde.
Un chemin que je connais bien pour avoir choisi de m'y engager moi aussi. Pour me réparer, me reconstruire, me régénérer. Pour retrouver mon énergie, ma joie, mon élan vital intérieur. Pour apprendre à trouver et maintenir l'équilibre en moi et dans ma vie. Pour poursuivre mon engagement mais depuis un autre espace, plus apaisé, plus serein, plus souverain, plus robuste.
Un chemin sur lequel j'ai à cœur aujourd'hui d'accompagner et de soutenir les mutantes et les mutants qui s’ignorent encore, se cherchent ou sont déjà conscients de qui ils sont, en leur proposant un espace d’expression, de découverte, de ressourcement et de croissance.
Afin de les guider et de les soutenir sur ce chemin d’ouverture de conscience et d’une transformation profonde et durable, pour suivre leur voix.e, prendre pleinement leur place et contribuer à bâtir une société au service des humains et du vivant.
Avec douceur, authenticité et dans la joie.
(1) The Cultural Creatives: How 50 Million People Are Changing the World (Harmony Books, Octobre 2000)
(2) Mutants militants, une alliance nouvelle face aux défis de notre nouvelles époque. (Massot Editions, 2023)
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